Le travail en équipe

En tant que stagiaire on est rarement seul avec un référent, on a souvent affaire à une équipe pluridisciplinaire.

Comment vous vous positionnez? Est-ce que la place de stagiaire est pas difficile à ce niveau?

Pour ma part je suis en unité mère bébé et toute l'équipe est à sa manière actrice des soins au sens global (psychique et somatique). Parfois on se heurte à de grosses incompréhensions, à de la maltraitance (plutot morale), voire à des rejets massifs de toute l'équipe sur une mère ou son bébé. Il m'arrive de passer plus de temps à étayer l'équipe, à recadrer certaines choses avec certains soignants qu'avec les mères et leurs bébés pour que les choses bougent. Ca me pose pas mal questions, j'aimerais bien avoir vos points de vue et vos expériences.

Assez souvent, je pense à ce qu'on a pu travailler sur les techniques de groupe et plus particulièrement à la tâche primaire de l'institution. On dit souvent que lorsqu'une institution va mal (plus ou moins mal) elle ne réalise plus sa tâche primaire (soigner, éduquer, etc.)
ça me semble très vrai et c'est pour cette raison qu'on passe parfois plus de temps à remettre de l'organisation et du cadre au niveau du fonctionnement institutionnel qu'à faire un travail auprès des patients. Finalement, on retrouve l'idée qu'il faut un cadre suffisamment constitué pour qu'un processus (ici thérapeutique) puisse se mettre en marche.
Si ça peut te rassurer, actuellement, je suis dans une situation proche de la tienne. ça peut être un peu désolant à certains moments mais je pense vraiment que c'est nécessaire. Passer à côté de ce travail là serait, à mon avis, comme essayer de remplir une bouteille qui n'aurait pas de fond... Il faut d'abord réparer la bouteille si on veut que l'eau qu'on apporte serve à quelque chose. Voilà, c'était ma petite métaphore du jour. J'espère qu'elle te parlera un peu.
En tout cas, bon courage pour la suite. Dis toi que c'est le métier qui rentre

C'est marrant en ce moment je lis le bouquin de Kaës sur la souffrance en institution qui développe en gros ce que vient de dire Thomas.

Sinon je dirais que souvent en tant que psychologue on se retrouve à cette place de devoir soutir et dénoué les choses. Dans le meilleur des cas il y a un psy qui est embauché spécifiquement à cette tâche. Mais ce n'est pas toujours le cas.

Par contre c'est justement ta place plus neutre par rapport à l'institution qui te permet ce travail . Car les psys présents sont dans l'institution et n'ont peut-être pas le recul nécessaire.

ouais ça me parle complètement.

la cadre infirmière est venue me trouver la semaine dernière pour me dire à propos d'une mère très dépressive et angoissée, plutot dans quelque chose d'adhésif avec tout le monde, comme si on était tous des petits tuteurs sur un arbre qui s'effondre: "qu'est-ce qu'elle est chiante madame truc, qu'est-ce que vous foutez avec elle?" j'étais un peu abasourdie, et pourtant c'est très fréquent d'entendre ce genre de plaintes, voire des moqueries ou des reproches sur les mères au nez des bébés... J'ai l'impression qu'il y a comme un fantasme de ce que doit être une bonne mère chez pas mal de soignants qui produit des choses contre productives pour les patientes et leurs bébés. Mais aussi un fantasme sur un psychologue tout puissant qui va régler les choses en 3 coups de baguette magique!
J'ai passé un long moment à parler de cette dame avec la cadre, pour qu'elle réalise qu'elle avait tout de même avancé depuis son arrivée, et que son rôle d'infirmière était très important, qu'elle permettait en l'occurence d'apporter une certaine sécurité et une contenance à cette mère, ce qui lui permettait par la suite d'être elle même contenante avec ses bébés.
Aujourd'hui en synthèse la discussion sur cette maman est revenue, et j'ai pu parler à l'équipe de son rôle de contenant, comment cette dame pouvait avancer grâce à eux tous, j'ai l'impression qu'ils y ont tous été assez sensibles et que de voir que j'étais bienveilante à son égard les avait rendus eux mêmes un peu plus attentifs et bienveillants.
Comme tu dis c'est le métier qui rentre, mais je trouve qu'en place de stagiaire c'est périlleux de dire ces choses sans passer pour la ptite jeune qui veut donner des leçons. J'ai du mal avec ça...

En tout cas c'était courageux de ta part et puis ça se sent quand quelqu'un est humble, donc tu ne pouvais pas passer pour la stagiaire qui s'y croit!